Out of Africa

Souvenirs du Mozambique

En compagnie de son collègue Nicolas Violi, Nathalie Frieden-Markevitch a passé trois semaines à Maputo (Mozambique) dont une pour mieux comprendre l’endroit et la situation, et une pour former à la didactique de la philosophie une vingtaine d’enseignants. Voici son récit :

Notre semaine a été riche, intéressante et a dépassé nos espérances: ce fut une totale réussite.

La collaboration avec les étudiants a été extrêmement enrichissante et nous avons été plus qu’heureux de participer à ce projet monté là-bas par José Blaundé, professeur à l’université de Maputo, qui s’est investi de manière remarquable pour permettre à cette semaine d’avoir lieu.

Sur le papier, c’était pourtant un véritable défi : les conditions de l’enseignement de la philosophie au Mozambique sont bien différentes des nôtres étant donné que la culture se transmet avant tout de manière orale. Parler pour penser avec sagesse y est d’ailleurs une composante importante de la vie en société ! Mais certaines difficultés rendent néanmoins l’exercice de la philosophie complexe : le portugais (langue officielle et de la scolarisation) n’est la langue maternelle de pratiquement personne, et le pays compte un des taux d’analphabétisme les plus élevés au monde. Le nombre d’élèves par classe est variable: entre 30 et 40 dans les grandes villes, il peut atteindre 70 à 100 dans les capitales des districts , ce qui complexifie la tâche des enseignants comme des élèves pour approfondir individuellement une pensée philosophique complexe. Ainsi, l’apprentissage « par coeur » existe pour la préparation aux examens tout en gardant une place secondaire dans les enseignements. Le matériel pose un problème supplémentaire : à Maputo, seuls 5% des élèves possèdent un manuel (toutes matières confondues), mais ce chiffre chute dramatiquement dans les capitales de districts. Les tables en classe aussi sont en nombre très insuffisants. Les lycéens sont donc souvent assis sur le sol. Il est  difficile aussi bien pour les professeurs que pour les élèves d’avoir accès aux textes philosophiques originaux dans les classes. Ce sont autant de situations complexes auxquelles sont confrontés les enseignants au quotidien et dont il nous a fallu tenir compte dans la formation proposée. Ces circonstances difficiles n’enlèvent pourtant rien à l’engagement des professeurs et des élèves rencontrés dans notre voyage.

La classe de vingt personnes que nous avons formée était composée de professeurs des lycées, d’étudiants en philosophie en dernière année de cursus, et de professeurs d’université (qui ont pour la plupart un niveau de master), tous réunis pour des journées de six à sept heures de didactique ! Nous avons été impressionnés par leur engagement et leur volonté en dépit des difficultés matérielles, certains venant de loin pour participer à cette semaine. En plus des balises classiques de la didactique de la philosophie (analyser et produire un texte, problématiser, concevoir un cours, discuter en groupe), nous nous sommes attachés à concevoir ensemble des outils adaptés à la situation des classes en insistant sur toutes les formes d’écriture privée permettant la réflexion ainsi que sur les possibles travaux de groupe. Dans ce contexte nouveau pour Nicolas et moi,  inventer un cours, le restructurer au fur et à mesure de la semaine, écouter les besoins des gens, comprendre leurs enthousiasmes, leurs demandes et leurs doutes, ont constitué un travail quotidien intense !

La semaine s’est achevée de la manière la plus satisfaisante qui soit : les étudiants ont à leur tour proposé des cours tels qu’ils pourraient les donner en classe, en suivant les méthodes élaborées ensemble durant la semaine. Nous avons ainsi assisté à deux cours vraiment beaux donnés par deux étudiantes enthousiastes, et l’autre par un homme et une femme. Nous étions heureux de voir les résultats de cette semaine de formation, l’intérêt pour des méthodes innovantes, un engagement au professionnalisme et une intelligence réelle palpable. Nous avons adoré ce cours que nous avons suivi comme de bons élèves !

Je tiens à remercier PhiSF de nous avoir permis de vivre cette semaine de formation aux côtés des étudiants et espère vivement que l’expérience pourra être réitérée dans d’autres régions du Mozambique. Certains étudiants mozambicains souhaitent également s’engager davantage dans de possibles formations de formateurs à venir, tout comme le professeur José Blaundé : ne manquent donc plus que les fonds nécessaires pour mener à bien ce projet ambitieux mais nécessaire à long terme!

Avec toute ma reconnaissance et toute mon amitié,

Nathalie